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La Dépression Masquée :
Comment la reconnaître ?

Dépression masquée qu’est-ce que c’est ?

La dépression masquée semble avoir peu d’une dépression. Alors qu’une dépression se manifeste surtout par l’humeur dépressive douloureuse, par les sentiments de tristesse et de désespoir, ou encore par le manque d’intérêt pour le monde extérieur, ces signes majeurs sont absents dans le cas d’une dépression masquée. En effet, la personne continue à investir des activités, continue à se battre, elle résiste, elle sourit… Cependant elle souffre des symptômes d’aspect essentiellement physique. Il peut s’agir de troubles du sommeil, de psoriasis, de migraines et bien d’autres.

Les symptômes les plus classiques de la dépression masquée sont des douleurs : des maux de tête, mais aussi des douleurs du dos ainsi que les problèmes digestifs : maux de ventre, brûlures d’estomac, diarrhées ou constipations. Des troubles du sommeil, une perte d’appétit, une dyspnée ou encore des palpitations peuvent apparaitre dans le contexte d’une dépression refoulée ou déniée.

La dépression peut revêtir différentes formes cliniques. Dans la dépression masquée, la souffrance morale est refoulée ou déniée, c’est à dire que le psychisme lui interdit l’accès à la conscience. La dépression est sans objet et la douleur deviendra physique, la souffrance empruntera des voies somatiques pour s’exprimer. Par cette ruse de l’inconscient, nous sommes moralement soulagés mais aussi alertés qu’il y a un malaise.

Le déni est un mécanisme de défense beaucoup plus radical que le refoulement, qui lui, permet d’accéder à des éléments refoulés. Le déni de la dépression est très fréquent. En effet, pour des raisons religieuses, culturelles ou sociétales, les gens ne se sont pas autorisés d’exprimer et même de ressentir de la tristesse, de la frustration et toute sorte d’émotions négatives.

Comment reconnaitre une dépression masquée ?

Dans la dépression masquée, les symptômes de la dépression sont cachés par des manifestations corporelles qui sont en fait de nature psychosomatiques.

Les signes psychiques de la dépression, la détresse morale, la tristesse, l’autocritique, le pessimisme, sont relégués en arrière-plan pour laisser la place aux manifestations somatiques.

Avec plusieurs douleurs, musculaires, thoraciques ou articulaires, des céphalées, des troubles digestifs, la personne pense avoir ses organes atteints. Il n’en est rien.

La plainte peut concerner un symptôme persistant sur le long terme, ou plusieurs symptômes de nature différente, mais toujours sans atteinte organique. 

 

Voici les symptômes physiques (somatiques) par lesquels la dépression se manifeste fréquemment :

  • Le sentiment de fatigue, et notamment la fatigue matinale, liée aux troubles du sommeil, l’insomnie ou l’hypersomnie. La fatigue peut être permanente ou se manifester par les accès d’épuisement soudains.

  • Les insomnies : les difficultés d’endormissement et les réveils précoces qui entraînent une fatigue.

  • Douleurs musculaires sans cause organique : lombaires, rhumatologiques, faciales, crampes musculaires, douleurs thoraciques, paresthésies des mains et des pieds.

  • Céphalées chroniques ou migraines, de violents maux de tête ou dans la région de la nuque.

  • Différents algies aigües ou chroniques : dorsales, cervicales, vasculaire… résistantes aux traitements symptomatiques.

  • Troubles digestifs et douleurs gastriques: glossodynie (le syndrome de la bouche brûlante), globus, brûlures d’estomac,  colites, constipations, diarrhées, syndrome du côlon irritable.

  • Bouffées de chaleur.

  • Vertiges.

  • Malaises physiques intenses.

  • Difficultés respiratoires sans substrat organique.

  • Dysfonctionnement de l’appareil cardio-vasculaire sans substrat organique.

  • Les infections à répétition, par exemple urinaires ou vaginales, dues à l’état d’inflammation et la baisse des défenses immunitaires.

  • Troubles des conduites alimentaires : manque d’appétit, anorexie, crises de boulimie ou d’hyperphagie.

  • Perturbation du sommeil : hypersomnie ou insomnie, avec le réveil précoce – vers deux ou trois heures du matin avec des difficultés à se rendormir. Nuits agitées, parsemées de cauchemars et marquées par la perturbation du rythme du sommeil.

  • La dépression masquée peut se manifester également au niveau dermatologique : manifestations cutanées telles que prurit, poussées d’herpès, eczéma, urticaire, psoriasis, irritations du cuir chevelu…

 

 

Les maux, les souffrances et les états d’âme

Parfois la personne dépressive manifeste une certaine irritabilité ou impatience. Une personne déprimée peut se montrer sensible ou agressive. Ses relations avec l’entourage deviennent tendues et compliquées. Les proches n’y voient pas le signe de souffrance mais plutôt d’un « mauvais » caractère.  C’est parce que la personne n’exprime pas de tristesse. En quelque sorte, elle ignore sa dépression. En effet, accepter l’idée que l’on traverse un épisode dépressif n’est pas toujours facile. Plus ou moins inconsciemment on se défend contre cette réalité. La souffrance interne prendra alors la forme de fatigue, d’insomnie, de douleurs ou s’exprimera par des décharges au niveau de l’appareil digestif ou cardio-vasculaire.

Tous ces symptômes somatiques ne cachent pas nécessairement une dépression. Le corps peut aussi exprimer d’autres émotions et notamment la colère ou l’anxiété. La réaction au stress chronique peut prendre les mêmes voies d’expression somatique. Aussi, il est important de vérifier auprès d’un professionnel s’il s’agit d’une dépression masquée chronique, d’un épisode dépressif atypique, de manifestations d’anxiété généralisée. Cela permettra d’appliquer le traitement adapté à la situation.

Afin de ne pas passer à côté d’une maladie physique, il est nécessaire d’effectuer tout d’abord un bilan somatique adapté (prise de sang, imagerie cérébrale…). Avant de déclarer que les symptômes proviennent uniquement de l’état psychique, il s’agit d’exclure toute atteinte organique.

Comment soigner une dépression masquée ?

Ces patients ignorent que leurs problèmes somatiques sont provoqués par la dépression sous-jacente. En conséquence, ils sont mal soignés. Ils sont souvent dans une errance médicale et désespèrent face à l’inefficacité de divers traitements médicaux subis. La dépression cachée est en effet difficile à diagnostiquer mais beaucoup de médecins après quelques examens somatiques qui ne détectent pas de lésions organiques, savent que le problème est lié au stress ou à la dépression. Il s’agit alors que convaincre le patient qu’il s’agit d’une souffrance psychique qui s’exprime par le corps. Les patients qui souffrent des réelles douleurs ou de bien réelles colites ont du mal à imaginer que leur inconscient peut avoir une telle puissance pour se manifester de cette manière-là.

Seule la psychothérapie permet de guérir la dépression masquée.

Soigner la dépression masquée, c’est comme enlever les couches successives d’un oignon. Sous les symptômes somatiques se cachent de relations douloureuses et malsaines avec soi-même. La psychothérapie permet de soulager les tensions intérieures accumulées qui deviennent toxiques pour le corps.

La psychothérapie gagne en efficacité quand le patient prend le soin de retrouver régulièrement du calme d’esprit, en méditant, en pratiquant la relaxation et surtout en exprimant son vécu. Exprimer systématiquement et par petites quantités le émotions permet d’éviter leur accumulation et leurs décharge dans le corps.

 

Comment la dépression parvient-elle à se cacher ?

« Mes parents ne m’ont pas appris à parler de mes sentiments. Je pense qu’ils ne savaient pas le faire eux même. Donc, généralement, nos conversations tournaient autour des banalités et des faits de la vie quotidienne.

Mon père était un taiseux. Il est vrai que j’ai appris beaucoup de choses de lui, notamment de bricoler, mais je ne me souviens pas avoir appris à exprimer et à discuter des opinions, des espoirs, des rêves et des sentiments les plus profonds.

Ma mère était une vraie mère poule, anxieuse, toujours inquiète, et donc hyper-protectrice. Ce qui avait pour conséquence de m’exaspérer et de m’enfermer, de refuser de lui parler. Comme elle était toujours en train de se plaindre, ce que mon père ne cessait de moquer, j’ai fait un point d’honneur de ne pas jamais exprimer de plaintes et encore moins de plaintes psychiques.  

De nombreuses années se sont écoulées avant que je comprenne que je n’ai pas à cacher mes besoins, mes désirs, mes émotions.  Jusqu’à récemment j’ignorais ce qui m’arrivait. Je savais seulement que quelque chose n’allait pas parce que j’ai perdu toute satisfaction dans la vie, je manquai d’appétit, j’étais incapable à me concentrer. Mais surtout j’avais toutes ces douleurs, au dos, à la tête, mal au ventre… Les examens ne montraient rien mais je n’arrivais pas à croire que toutes ces douleurs arrivaient sans raison. Les traitements ne soulageaient que temporairement et les symptômes revenaient de plus en plus souvent. 

Mes problèmes de ventre m’empêchaient parfois d’aller travailler. J’ai fini par avoir peur d’être mal chez des amis ou au cinéma et je me suis retrouvé isolé socialement. Après avoir vu tous les gastroentérologues en ville qui m’assuraient que c’était dans ma tête j’ai pu enfin parler à un collègue à qui la même chose était arrivée. Il m’a donné les coordonnais d’un psychologue spécialisé… Je n’ai pas appelé tout de suite mais bientôt j’ai fini par tomber dans un découragement général.

Les émotions inexprimées et des douleurs cachées en moi  étaient une bombe à retardement, attendant juste le bon moment pour exploser. C’est au cabinet de psy que j’ai pu enfin les exprimer. Ce n’était pas facile…

J’ai pu comprendre et accepter que vivre des expériences profondes, apprendre à les reconnaître et à en parler n’est pas seulement normal mais aussi nécessaire. »

 

 

Différentes formes de la dépression masquée

 

La dépression rebelle

Chez certaine personne qui ressente une profonde détresse morale, la dépression se manifeste sous forme de colère. La personne n’exprime pas sa souffrance, et souvent, elle ne la ressent même pas comme tristesse ou désespoir. En revanche, elle est impatiente, irritable, et peut exploser de colère. Son agressivité peut conduire à des comportements violents, auto ou hétéro-agressifs, auto-destructeurs.

 

La dépression souriante

Certaines personnes dissimulent leur tristesse et leur pessimisme derrière un sourire de surface. C’est façon, souvent en partie inconsciente, de gérer une douleur. La personne déprimée lutte pour ne pas s’effondrer, parfois de manière inconsciente : elle est dans le déni de sa dépression. Parfois, elle perçoit sa douleur morale mais n’est pas prête à l’accepter. Parfois, elle est convaincue que si elle montrait son état réel, si elle partageait sa tristesse ou sa vision pessimiste du monde et de soi-même, les autres se détourneraient d’elle. Elle préférè se montrer  heureuse, prétend être en forme, déborde d’énergie et amuse la galerie. Il s’agit de la sur-adaptation qui est extrêmement coûteuse psychiquement et qui épuise à long terme. Cette posture accentue également le sentiment d’être seule face à sa douleur.

 

Dépression essentielle

La personne en dépression essentielle est en dépression mais elle ne la ressent pas. Elle n’exprime donc pas la souffrance psychique, ni d’autres sentiments dépressifs, comme celui d’infériorité. Elle banalise son malaise, l’attribue au stress de la vie quotidienne, ne se plaint pas ou se plaint tout au plus d’une fatigue. Cette dernière correspond à l’abaissement du tonus libidinal qui se manifeste également par un détachement apparent.

Ce type de dépression masquée, appelée également par P. Marty « dépression sans objet », n’est pas facilement diagnostiqué car la personne qui en souffre, banalise cette souffrance, ne se plaint pas et ne demande rien. Personne remarque quoi que ce soit car il n’y a pas d’émotion apparente suite à l’abrasement de la dynamique psychique. La vie onirique, fantasmatique est gommée, occultant tout conflit intérieur, laissant place à la pensée opératoire ou témoignant de la disparition de la libido.

Pour P. Marty, ce type de dépression est lié à la prévalence de l’instinct de mort sur l’instinct de vie. L’instinct de mort se caractérise par un effacement progressif et graduel de la dynamique psychique et de l’énergie vitale qui s’épuise et se perd. C’est une dépression qui ne fait pas de bruit jusqu’à, parfois une crise ou une décompensation somatique irréversible.

 

La dépression masquée des hommes

Les hommes ont encore plus souvent que les femmes une difficulté à exprimer leurs sentiments. Ils ont moins l’habitude de parler de leurs émotions que les femmes. Les hommes que je rencontre au cabinet, parfois ne sont pas en mesure d’avoir un discours spontané sur leur vie émotionnelle et sentimentale. Il arrive qu’ils ne savent pas quoi dire et semblent gênés. L’homme croie souvent qu’il n’a pas le droit d’être sentimental, sensible ou émotif.

De plus, dans les situations difficiles, ils sont plus enclins à réagir aux problèmes qu’à en parler.

Si la dépression se développe chez un homme, elle est donc couramment cachée et se passe en silence. La douleur profonde et inexprimée que beaucoup d’hommes portent reste invisible, donc inaperçue et par conséquent incomprise. Les symptômes somatiques sont parfois longtemps ignorés et subis sans que l’homme décide à consulter un médecin.

Cette condition pousse de nombreux hommes à chercher des tampons à leurs émotions enfouies, tels que le travail ou la consommation d’alcool ou de cannabis. Ce sont des mécanismes de défense par lesquels ils tentent de maintenir des relations avec leurs proches et avec eux-mêmes. Les mécanismes de défense ou les dépendances sont conçus pour masquer la souffrance psychique ou morale inexprimée ainsi qu’anesthésier les douleurs physiques. Un homme souffrant de dépression latente, construit ainsi un mur qui le sépare de la réalité. La dépression masquée est fréquemment à l’origine des addictions et de conflits relationnels.

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